Comment féliciter un collègue sans qu’il pense que vous tentez de le manipuler

Avr 19, 2019

Pourquoi votre collègue réfute votre compliment

 Vous sortez d’une réunion de travail en même temps qu’un de vos collègues qui a fait une présentation de projet, que vous avez trouvée super pertinente, claire, concise et structurée, vous aimeriez bien réussir à faire des présentations de cette qualité, et vous voulez féliciter votre collègue. Vous lui dites, très enjoué :

« Super présentation Michel, t’es vraiment excellent pour présenter tes projets ! »
« oh ça va, je sais bien que non, j’ai oublié au moins 3 trucs que j’avais prévu de dire! »

La réponse de votre collègue vous laisse perplexe : vous le félicitez avec sincérité, lui faites un compliment et lui le refuse, le remet en cause. Pire il ne vous croit pas sincère, pense que vous lui mentez, tellement sa perception de son « excellence » est loin de la vôtre !

Où est le problème dans votre façon de le féliciter ?
Simplement dans la structure de votre phrase:  la formulation du compliment avec un « tu » est inadaptée pour vraiment faire passer votre message.

Le « tu » parle de l’autre, et même si c’est en terme positif, cela reste un jugement porté sur l’autre.

Dans l’exemple, surtout si votre collègue a une estime de lui-même assez basse, il est, sans en être conscient la plupart du temps, incapable d’apprécier votre compliment, qui vient au contraire réveiller chez lui son sentiment de ne pas s’être senti « excellent ».

C’est tout le problème de ce que nous appelons communément les compliments.

Les compliments sont le plus souvent formulés de manière inadaptée. Ce sont des jugements, certes positifs, mais qui restent un jugement porté sur notre interlocuteur.

C’est l’une des raisons pour lesquelles notre interlocuteur peut avoir une réaction défensive à notre compliment, voire agressive, dont nous sommes extrêmement surpris ! On ne s’attend pas à une réaction défensive-agressive lorsqu’on fait un compliment à quelqu’un !

 Comment féliciter quelqu’un sans qu’il pense qu’on lui ment ou qu’on le fait dans une démarche intéressée ?

 En utilisant l’appréciation positive, un outil de communication saine créé par Jean-Paul Fluteau

« L’appréciation positive consiste à dire à notre interlocuteur ce que nous apprécions et aimons à son sujet ». *

Cela ressemble aux compliments. La différence réside dans la façon de formuler ce que nous apprécions. Au lieu d’utiliser le « tu » ou le « vous » du vouvoiement, pour « juger » (même positivement) notre interlocuteur, l’appréciation positive utilise 2 règles fondamentales de la communication saine :

  • Utiliser « je »
  • Utiliser une syntaxe affirmative

C’est ainsi que : « t’es vraiment excellent pour présenter tes projets » devient, « J’ai beaucoup aimé ta présentation Michel », et si vous savez précisément ce que vous avez aimé, c’est encore plus puissant de le dire : « je l’ai trouvée pertinente, claire, concise et structurée. J’aimerais bien être capable d’en faire de cette qualité ! »
Cette dernière formulation reflète encore mieux ce que vous pensez vraiment. C’est une formulation qui parle de vous, de votre vision de la situation, et non de l’autre. Votre interlocuteur dans ce cas-là ne peut qu’accueillir votre point de vue.
« Ah oui tu as aimé ? tu l’as trouvée pertinente, claire, concise et structurée ? oh wahou, moi qui me suis trouvé pas très bon car j’ai oublié 3 trucs que j’avais à dire…merci »

L’appréciation positive est donc extrêmement simple en théorie à réaliser. Comment se fait-il que cela se complique dans la pratique ?

Formuler une appréciation positive se heurte souvent à nos inhibitions liées à des tabous culturels voire professionnels. Jean-Paul Fluteau l’explique d’ailleurs très bien :

« Dire explicitement à une personne ce que l’on aime et apprécie la concernant relève pratiquement du tabou, dans la mesure où existe très souvent la peur que l’autre interprète nos propos

comme :

  • Soit une tentative de séduction
  • Soit une tentative de manipulation
  • Soit une démarche intéressée

Par ailleurs, nos conditionnements éducatifs nous ont beaucoup plus appris à exprimer nos insatisfactions et ce que nous n’aimons pas, plutôt que d’exprimer ce que nous aimons et apprécions de façon générale, et encore plus lorsque cela concerne les personnes et plus particulièrement les personnes de sexe opposé » *

En effet, avez-vous déjà fait un compliment à une femme ? En toute sincérité et sans objectif de séduction ?

Vous croisez une collègue dans l’ascenseur. D’ordinaire vous appréciez la bonne humeur de cette collègue, qui vous change de votre voisin de bureau plutôt taciturne. Cette collègue est en train de rire avec son interlocuteur au téléphone. Vous lui dites très spontanément, sans arrière pensée : « tu es toujours de bonne humeur Juliette, c’est très plaisant! ». Curieusement à votre grand étonnement votre collègue ne vous répond pas « merci », elle ne rit plus, détourne la tête et attend avec impatience l’ouverture de la porte de l’ascenseur pour s’éloigner de vous. Elle se demande sûrement qu’elle est votre intention cachée derrière ce compliment. Elle se dit que peut-être vous tentez de la séduire… alors que c’était « juste » un compliment gratuit.

Il est fort probable qu’en ayant utilisé l’appréciation positive, votre « intention saine » ait été entendue : « Je te vois souvent en train de rire et de bonne humeur, Juliette, merci, je voulais te dire que c’est très plaisant, ça me change de l’ambiance avec mon voisin taciturne!»

Percevez-vous l’importance de communiquer adéquatement votre pensée pour que votre message soit bien reçu, et ainsi vous sentir pleinement entendu ?

Bien sûr je vous invite à tester l’appréciation positive pour expérimenter vous-mêmes les bénéfices dont je vous parle : pour votre interlocuteur, pour vous, pour la qualité de l’échange. Et faites-moi part de vos expériences en laissant un commentaire sous cet article ou en m’écrivant à laurence@laurencebozec.com!

*tiré de Au cœur des relations d’aide, de Jean-Paul Fluteau – psychologue français fondateur de l’ « Approche de l’Enfant Gigogne » et de Espace Transformation